Le dernier rapport de l'Organisation des Nations unies (ONU) du 21 mars adresse une préoccupation concernant la discrimination raciale à Maurice, un sujet encore souvent négligé dans le débat public. Alors que le pays est reconnu pour sa diversité ethnique, l'ONU pointe du doigt l'absence de données précises sur les communautés telles que les Créoles, les Chagossiens et les personnes d'ascendance africaine, ainsi que les non-citoyens et migrants. Cette absence de recensement détaillé empêche une évaluation adéquate de la discrimination raciale, tout en freinant l'élaboration de politiques publiques inclusives.
«The Committee recommended that the State party develop inclusive data collection tools based on self-identification, compile detailed socioeconomic statistics for marginalised groups, and publish data on the ethnic composition of the prison population», peut-on lire. L'ONU insiste sur la nécessité d'un recensement ethnique précis basé sur l'auto-identification des citoyens. L'objectif est d'identifier les disparités sociales, économiques et politiques entre les différents groupes ethniques.
Le rapport intervient également dans le contexte du Best Loser System, un mécanisme électoral instauré en 1968 pour garantir une représentation des communautés minoritaires au sein du Parlement. Ce système attribue des sièges supplémentaires à des candidats non élus mais représentant des groupes sous-représentés. L'ONU met également en lumière dans ce rapport la situation des Chagossiens qui continuent de souffrir des effets du déplacement forcé des années 1960. La pauvreté et la discrimination frappent cette communauté, et l'absence d'un suivi sérieux des mesures de soutien met en évidence l'urgence de réformes.
L'ONU appelle à une participation plus active des Chagossiens dans les négociations et les processus de réparations, conformément à l'avis de la Cour internationale de justice de 2019. Cela inclut le développement d'un cadre de réparations global et une meilleure prise en charge des besoins sociaux et économiques de cette communauté.
Chronologie de la lutte contre la discrimination raciale à Maurice
1968 : introduction du système des Best Losers, censé garantir une représentation équilibrée des communautés.
Années 1980 : les Créoles commencent à revendiquer plus de visibilité et de droits sociaux, dénonçant une marginalisation dans plusieurs secteurs de la société.
Années 1990 : la question des Chagossiens émerge sur la scène politique, avec des appels pour des réparations et une plus grande reconnaissance de leurs droits.
Années 2000 : le débat autour du système des Best Losers se renforce, avec des propositions de réforme pour éviter les divisions ethniques.
2015 : l'ONU critique la collecte insuffisante de données ethniques et recommande des mesures concrètes pour garantir une inclusion effective.
2019 : la Cour internationale de justice rend un avis favorable aux Chagossiens, appelant à une réparation et à une réintégration des déplacés.
2023 : le rapport de l'ONU renforce ces recommandations, insistant sur la collecte de données ethniques, la réforme du système électoral et la participation des communautés marginalisées dans les politiques publiques.
Rappel du jugement Balancy
Le jugement Balancy remonte à 2005. Le juge qu'il était alors avait donné raison à 11 membres de Rezistans ek Alternativ de ne pas déclarer leur appartenance ethnique, pour les élections de juillet. Jugement renversé par la suite par un Full Bench de la Cour suprême.
La Cour suprême, elle, a statué en faveur du maintien du Best Loser System, mais a aussi souligné qu'une surveillance et des ajustements étaient nécessaires pour assurer que ce système ne crée pas de nouvelles inégalités.
En 2012, le Comité des Droits de l'homme des Nations unies avait d'ailleurs tranché contre l'Etat sur la question du Best Loser System. Ce qui avait entraîné le miniamendement constitutionnel aux élections de 2014.
Le dernier rapport de l'ONU sur la discrimination raciale à Maurice souligne des défis complexes mais essentiels à résoudre pour garantir une véritable égalité des droits pour tous les citoyens. L'ONU recommande des réformes urgentes, notamment en matière de recensement ethnique et de réformes du Best Loser System, afin de dépasser les divisions héritées du passé colonial et de construire une société plus inclusive. Les autorités mauriciennes devront répondre à ces défis pour lutter efficacement contre les discriminations et promouvoir une véritable justice sociale pour toutes les communautés.